[Neurosciences x Design] — Ne cherchez pas, le noir n’existe pas.

Julien Dabert

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« Je t’aime, moi non plus », voilà comment je qualifierais la relation entre le noir et les designers… Faut-il bannir le noir de ses créations, ou au contraire en user à outrance ?

Ceci n’est pas du noir…

J’ai bien envie d’ajouter mon grain de sel à ce débat, et j’ai un argument très solide. Savez-vous que le noir n’existe pas ? D’un point de vue physique certes, car le noir n’est ni plus ni moins qu’une absence de couleur, mais d’un point de vue neuroscientifique aussi !

Un schéma de mon charabia… (source : André Pienaar)

L’œil fonctionne exactement comme un appareil photo reflex : l’objectif à focale fixe correspond à la cornée et au cristallin et le capteur correspond à la rétine. La grosse différence correspond à la façon de capter la lumière. L’appareil photo dispose d’un capteur numérique, tandis que notre rétine est composée de millions de cellules. Ce sont les fameux bâtonnets, sensibles à la clarté, et les trois types de cônes, un pour chaque couleur (bleu, vert et rouge).

Un cône ou un bâtonnet envoie un signal nerveux à intervalle régulier en absence de stimulation lumineuse. Dès que la cellule est frappée par un photon, elle stoppe ses décharges nerveuses. Le cerveau reconstruit l’image à partir de cette absence de stimulation, au niveau du cortex visuel situé à l’arrière de notre cerveau. Cette reconstruction de la réalité explique les fameuses illusions d’optique.

Nous parlons Neurosciences ici, il faut bien que je vous montre des trucs compliqués. (source : Jonas Kubilias)

Au sein du système visuel, les réseaux de neurones forment des architectures complexes chargées de traiter les informations de forme, le mouvement, l’identification des objets, la perception des visages… Beaucoup de technologies, notamment l’intelligence artificielle, reposent sur les découvertes en neurosciences de la vision.

Et la couleur noire alors ? Si le noir est une absence de photons, comment nos cellules photosensibles arrivent-elles à les capter ? Eh bien, elles ne peuvent pas, le noir est une illusion optique, une création artificielle de nos aires visuelles. C’est là toute la beauté de la vision, nous avons besoin de lumière pour voir le noir, par un jeu d’interprétation de contraste.

L’eigengrau, le seul, l’unique.

Avez-vous déjà remarqué la couleur quand vous fermez les yeux. Quand il y a une forte lumière, on voit du rouge à cause des vaisseaux sanguins des paupières. Mais dans l’obscurité, que voyez-vous ? Ce n’est pas du noir, mais un gris, et pas n’importe quel gris ! Nous voyons le « gris intrinsèque », également connu sous le délicieux nom d’eigengrau. C’est simplement l’ensemble des signaux envoyés par nos cônes et nos bâtonnets, un simple « bruit » issu du fonctionnement de notre rétine. Le ciel nocturne est perçu comme noir en raison du contraste occasionné par la luminosité de la lune et des étoiles lointaines.

Faut-il bannir le noir en design ? Personnellement, je ne pense pas, particulièrement avec le développement des écrans OLED qui font l’économie du rétroéclairage et ce qui permet une optimisation de la consommation énergétique. Toutefois, la recherche d’un gris profond, proche de l’eigengrau, n’est pas dénuée de sens non plus. C’est une couleur reposante, neutre et elle va à ravir aux plus grincheux.

Cette couleur est entrée dans quasiment toutes mes palettes. Et vous, êtes-vous devenu un eigengrau addict ?

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